Texte

Paul Bitner, juin 2017

Les stèles actuelles de Patrice Poutout s’imposent d’abord par leur immobilité, leur caractère De toute éternité ; « questionnements immémoriaux » dit le sculpteur. 

Cette présence hiératique de « bifaces humains », de « torses », de « guides », de « veilleurs » … nous inscrit immédiatement dans une autre temporalité, nous écarte des turbulences incessantes de nos affects, pour nous commander le questionnement que sa trace impose. Adieu femmes, hommes, corps particuliers et musculaires, pensées individuelles et mouvements temporaires de nos existences – l’humain et son odyssée se retrouvent là – humanité plantée entre ciel et terre, figée face à nous, échappée à la cendre, chacun n’étant plus que partie du voyage, porteur de l’histoire du groupe, « ethnie universelle en quête », pour citer à nouveau l’artiste, mais avant lui l’homme qui parle si justement de son travail.

L’épure du particulier vers l’universel trouve d’ailleurs sa juste correspondance formelle dans la contexture même des œuvres, en quoi la forme si affinée et si rigoureuse soit elle parfois, résonne avec le fond, autant que l’actuel résonne ici avec l’ancestral. 

Pour ces sculptures où l’efficacité linéaire de la courbe s’accorde à la grande sobriété des volumes, la matière constituante est primordiale. Des bois, parfois des piquets de bois, différentes essences de bois, tilleul, frêne, hêtre … matière vivante avant de devenir forme-symbole d’un universel, matière constituée de sa nature et de sa propre histoire avant de prendre sous le feu, les teintures et les patines l’aspect inaltérable de la pierre ou du métal, matière débitée à la tronçonneuse afin d’être ensuite patiemment façonnée, gravée, brossée, cirée. 

Matière-surface, brute ou polie, lisse ou granuleuse où l’humain se dégage d’un foisonnement de rythmes et de stries, de dégradés de noirs calcinés, de gris et de blancs de chaux. Graphismes d’entailles profondes ou grains si ténus que presque invisibles, qui transmuent les « pièces » en un peuple d’instruments vibratoires, de gongs humains et silencieux dont l’onde de présence se dresse devant nous. Diapasons dont l’équilibre des volumes et des arêtes se fendent d’une invitation géométrique ; fenêtre de visée vers la permanence, porte à jamais ouverte, vers un repère plus stable, plus sage et plus immémorial.